05 Déc Quand la musique fait son cinéma
La journée d’études organisée par le département de musique et musicologie de l’université de Reims Champagne-Ardenne souhaite se concentrer cette année sur les musiques qui ne sont pas des musiques de films à proprement parler mais qui sont empruntées et réutilisées au cinéma, quel que soit d’ailleurs le répertoire auquel elles appartiennent originellement (musiques savantes anciennes ou contemporaines, jazz, rock, musiques populaires, urbaines, extra-européennes, etc.). Si le champ des études portant sur les musiques de films a tendance aÌ€ s’élargir depuis une quinzaine d’années, se focalisant entre autres sur les « binômes » compositeur-réalisateur, il s’avère néanmoins que les rapports unissant images et musiques « préexistantes » restent peu explorés par les travaux universitaires qui ont généralement délaissé ce champ d’investigation –qu’il soit envisagé du côté des études filmiques ou de celui de la musicologie. Or, pourrait-on imaginer, par exemple, de visionner Mort aÌ€ Venise de Visconti sans entendre le lancinant « Adagietto » de la 5e Symphonie de Mahler en toile de fond, Manhattan de Woody Allen sans le trille suivi de l’envolée de la clarinette ouvrant la Rhapsody in Blue de Gershwin, ou encore Barry Lyndon de Stanley Kubrick sans les puissants retours de la Sarabande de Haendel, tant ces œuvres cinématographiques sont devenues inséparables de ces musiques qui, loin d’être reléguées au second plan, font désormais partie intégrante de l’objet artistique produit ?
Ainsi, on tentera de mieux cerner le statut et la fonction de ces musiques « préexistantes » : création d’atmosphères, toile de fond ou décor sonore, évocation historique ou d’une aire géographique particulière, mise en évidence d’un caractère épique, marquage sociologique ou culturel, fonction dramaturgique assumée permettant de souligner, en la contrepointant, l’action filmique proprement dite. Plaçant parfois la musique aÌ€ l’origine de leur inspiration cinématographique, certains réalisateurs conçoivent même leur film ou dessin animé comme une véritable « mise en image » de la trame narrative implicitement ou explicitement suggérée par cette musique empruntée : il suffit de penser par exemple aÌ€ l’épisode célèbre de Fantasia ouÌ€ Disney vient en quelque sorte « donner à voir » (éluard) le contenu narratif implicite du poème symphonique L’ Apprenti sorcier du compositeur Paul Dukas. On s’interrogera notamment sur les choix musicaux qui ont été faits par le réalisateur, le directeur musical et/ou le compositeur de la musique originale – en concertation ou non –, sur la façon dont s’articulent et s’organisent les extraits retenus, sur les éventuels arrangements, instrumentations et réorchestrations proposés pour adapter l’emprunt original aÌ€ certaines spécificités esthétiques ou historiques du film mais aussi à des contraintes économiques, sur le rapport de ces musiques à l’image, sur les liens qu’elles tissent avec le scénario, sur le dialogue qu’elles instaurent avec les autres sons et les bruits, avec d’autres musiques empruntées (évoquant des esthétiques et des temporalités proches ou, au contraire, radicalement différentes) ou avec celles originellement composées pour l’image au sein d’un même objet filmique.
https://cerhic.hypotheses.org/1164